Quelles sont les attentes d'un(e) jeune diplômé(e) ? À quoi ressemblent les premières expériences dans la profession ? L’architecte fraîchement diplômée Andrea Hoffman partage son vécu et ses expériences avec nous.
Traduction d'un article par Jan Hoffman
Juin est le mois des remises de diplômes, le moment nous semblait idéal pour donner la parole à un(e) architecte fraîchement diplômé(e) et en savoir plus sur ses attentes et ses premières expériences professionnelles. Dans ce cas, la recherche d'une nouvelle recrue dans la guilde des architectes n’a pas été trop compliquée : il y a deux ans, ma nièce Andrea terminait ses études à l’université de Gand.
Le diplôme. Célébration avec quelques amies/collègues après la proclamation.
Directement après avoir obtenu son diplôme d’ingénieur civil-architecte, master en conception architecturale et technique de construction à l’Ugent en septembre 2019, Andrea Hoffman a directement intégré un petit bureau d’architecture gantois : studiobont, dirigé par le couple d’architectes Maarten Baeye et Karen Kesteloot. Studiobont emploie trois jeunes architectes et travaille surtout sur des projets de particuliers.
Médecin ? Non, plutôt architecte…
“J’avais déjà vu passer ce bureau, notamment sur Instagram, alors que j’étais encore étudiante. Lorsque j’ai vu qu'ils travaillaient principalement pour des particuliers et qu’ils étaient spécialisés dans la transformation de maisons de ville, ça m’a semblé l’endroit idéal pour postuler”, raconte Andrea. “Ça correspond bien à ce que j’aimerais faire plus tard, en tant qu’architecte indépendante avec mon propre bureau. De plus, je n’intégrais pas une énorme société mais un petit bureau, où on vous confie beaucoup plus de responsabilités et où vous pouvez mieux découvrir tous les aspects du métier.”
Avant de parler de ce que fait cette jeune demoiselle dans ce bureau depuis octobre 2019, il nous faut remonter un peu dans le temps. Pourquoi choisir l’architecture ? C’est comme ça que nous apprenons qu’il s’en est fallu d’un cheveu qu’elle soit... médecin.
“Pendant des années, j’ai voulu devenir médecin, car c’était ce que je connaissais à la maison. Mon père et ma mère sont médecins, mais sœur aînée aussi... J’ai longuement hésité et j’ai même passé l’examen d’entrée, afin de pouvoir vraiment choisir ce que je voulais faire jusqu’au dernier moment. Devenir médecin, c’était choisir la sécurité mais j’avais vraiment cette envie de me lancer dans l’architecture. J’y trouvais une créativité qu’on ne rencontre nulle part ailleurs. Et sur laquelle vient se greffer le côté technique de l’exécution. J’adore l’idée de réaliser des choses qui ont un impact sur les gens et c’est ce qui m’a poussé à choisir une tout autre direction. C’était le bon choix, je me sens comme un poisson dans l’eau et je peux faire mes propres expériences dans un monde où l’aspect culturel est essentiel, en tant que cadre référentiel pour l’architecture.”
L'intérêt qu’Andrea porte à ce cadre référentiel culturel est clairement perceptible dans son travail de fin d’étude : “Scale Milanesi. A catalogue of entrance and staircase design in Milan from 1919 till 1967”.
“Dans ce travail, je me suis attachée à documenter des perles architecturales cachées et Milan s’est avéré un choix intéressant. Ça m’a donné la possibilité d'y combiner un semestre en Erasmus, afin d’explorer tous les recoins de Milan. Ma thèse m’a d’ailleurs facilité l’entrée dans beaucoup d’endroits.”.”
Andrea Hoffman : “Le côté créatif de l’architecture l’a emporté sur la sécurité d’une carrière de médecin”.
Thèse en couverture de Domus
“Ce que j’ai surtout appris pendant ma thèse à Milan, c’est comment différents architectes ont saisi l’opportunité de faire des zones collectives d’un immeuble à appartements des espaces inspirants en travaillant sur les détails, la matérialisation et l’agencement des espaces. De manière globale, le contexte référentiel qui m’était servi sur un plateau s’est avéré un fantastique cadeau. D’ailleurs, je tiens encore à remercier chaleureusement mon promoteur, Dirk Demeyer, ainsi que mon professeur sur place, Fulvio Erace, et ma ‘complice’ dans la réalisation de ce travail de fin d’étude, Lise Timmermans. Plus tard, ce travail nous a valu une reconnaissance inattendue, lorsque nous avons fait la couverture de Domus. Nous avons aussi été invités pour la publication officielle du magazine, juste avant la pandémie.”
Andrea et Lise Timmermans au Monte Amiata Housing, un complexe résidentiel conçu par Carlo Aymonino et Aldo Rossi dans le quartier Gallaterese à Milan.
Un succès précoce dans la carrière d’Andrea : sa thèse ‘Scale Milanesi. A catalogue of entrance and staircase design in Milan from 1919 till 1967’ en couverture de Domus.
Retour au présent. Comment se passe la pratique ? Et comment se profile l’avenir ?
“Ce que j’ai toujours su, c’est que je suis faite pour travailler à mon compte. Mais ça ne se fait pas sur un claquement de doigts. Surtout en architecture, où la majorité de l’expérience pratique s'acquière après vos études. Vous devez donc travailler d’abord quelques années pour quelqu’un d’autre, parfaire vos connaissances et nouer des contacts. Je suis très heureuse d’être arrivée chez studiobont, c’est un endroit où vous avez beaucoup d’indépendance et ça me convient très bien. Avant que mes patrons commencent à se faire du souci : non, je n’ai pas l’intention de m’en aller avant longtemps (rire).”
“Chez studiobont, j’ai l’opportunité de travailler sur des projets de différentes envergures. Pour l’instant, je prépare un concours pour la rénovation d'un musée, une expérience unique et très enrichissante pour moi. Moi-même, je tire encore plus de satisfaction des projets privés auxquels je peux participer. Ces projets offrent un contact direct avec le maître d’ouvrage et ils sont très vastes. studiobont continue à se développer et réalise principalement des projets complets, dans le sens où dès la phase de conception, la totalité des finitions intérieures, du mobilier fixe et du choix des couleurs et des matériaux sont intégrés dans le projet. C’est précisément ce que je trouve intéressant, et qui apporte la variation nécessaire.”
Suivi de chantier du conservatoire de Bruges
“Depuis un an, j’ai aussi la chance dans le cade de ma ‘période de stage’, donc avant – en théorie du moins – de pouvoir signer mes propres projets, de me constituer une solide expérience pratique pendant le suivi du chantier de la rénovation du conservatoire de Bruges. J’ai en charge, entre autres, les comptes-rendus de chantier. C’est vraiment chouette de travailler là où j’ai pris autrefois des cours de musique…”
Sur le chantier du conservatoire de Bruges pour le compte de studiobont.
Nous savons maintenant qu’Andrea aimerait lancer sa propre entreprise plus tard. Y a-t-il des choses qu’elle aimerait dire aux jeunes qui envisagent d’étudier l’architecture ?
“Je ne peux que citer les paroles éclairées d'un de mes professeurs : ‘N'oubliez jamais que votre formation consiste avant tout à apprendre à réfléchir de manière critique’. Ce qu’il faut retenir avant tout, c’est que la théorie est trop vaste pour être appliquée à la lettre en pratique. Vous êtes un maillon de l’équipe, entouré(e) par diverses spécialisations dont il faut vous imprégner au maximum, et vous devez avoir bien conscience que vous ne pouvez pas y arriver seul(e). Vous devez aussi retenir que vous êtes le régisseur de l’équipe et que vous avez une fonction de coordination. Il n’existe pas de solutions toutes faites et vous devez pouvoir travailler de manière indépendante. Pendant votre formation, vous aurez parfois le sentiment que vous devez tout apprendre, tout savoir, eh bien par la suite, ce sera encore plus le cas si c’est possible.”
“Voyagez et élargissez vos horizons”
“Autre chose que je conseillerais à tout le monde : élargissez vos horizons et pensez au-delà du petit cadre de la Belgique. Un voyage à l’étranger est une expérience unique. Je continue d’ailleurs à voyager, j’espère notamment pouvoir visiter la Biennale de Venise, tandis que j’essaie aussi d’absorber un maximum de choses chez nous aussi. Lors de conférences et d’expositions, par exemple, comme on en organise au Bozar en période plus normale, pour élargir mon cadre de référence. Quelle est la suite du programme ? Je ne le sais pas encore, mon frère Maxim fait encore des recherches. Pendant l’été, nous aimons prendre la route ensemble en combinant ses intérêts – il fait un doctorat en histoire – et les miens. Je n’ai pas encore de certitude mais il se pourrait que ce soit à nouveau l’Italie…”
Andrea aime élargir ses perspectives en voyageant avec son frère cadet Maxim, qui fait un doctorat en histoire.