Dans le monde de l’architecture, que ce soit auprès des étudiants ou auprès de ses confrères, Duncan Lewis est la référence. L’homme de l’art, qui dirige l’agence Duncan Lewis Scape Architecture et parle de la nature avec une grande passion, nous livre ses impressions.
par Sipane Hoh
© DR
Avant même que Duncan Lewis parle de sa carrière, il raconte l’influence de la nature sur l’homme en général et lui en particulier. L’auteur pointe avec aisance sur la dimension paysagère dans le travail même de chaque architecte. La nature devient ainsi une sorte de muse, une conseillère mais aussi un album où l’architecte puise son imagination.
La nature et le temps
Originaire de Grande Bretagne, après avoir vécu au Japon et en Allemagne, Duncan Lewis a fait le choix de s’établir en France, à Bordeaux où il fonde son agence Duncan Lewis Scape Architecture. Depuis, une multitude de grands projets tout comme un nombre conséquent de collaborations attestent d’une carrière accomplie, remplie de belles prouesses mais aussi de beaucoup d’humilité.
La nature n’est jamais loin des réalisations de l’agence, bien au contraire, elle en fait partie. Si l’introduction de la nature dans les projets d’architecture est devenue avec le temps une tendance puis une nécessité, elle ne l’a jamais été dans les projets de Duncan Lewis. L’homme de l’art appartient à la lignée d’architectes qui ont toujours composé avec la nature et ne considèrent pas cette dernière comme un ajout, une mode mais plutôt comme une source intarissable d’imagination. Quand l’architecte parle de la relation de l’architecture à la nature, il cite James Wines, évoque l’influence du Land art et va plus loin encore en évoquant le côté économique de l’architecture et en pointant vers le mouvement de l’Arte Povera et les travaux de Joseph Beuys. Puis, il raconte comment en Asie, il a découvert la relation entre intérieur et extérieur. Des références de taille qui forgent l’architecture de Duncan Lewis. Notons par ailleurs, que le temps est, après la nature, l’élément essentiel qui guide les conceptions de l’architecte. En effet, ce dernier travaille sur l’habitat qui réapproprie le paysage dans la longue durée.
© Cyrille Weiner
© Cyrille Weiner
La Cité scolaire Jean Moulin à Revin
Duncan Lewis a réalisé la restructuration de la Cité scolaire Jean Moulin à Revin.
Il s’agit de travaux menés par l’équipe en site occupé, une architecture aussi subtile qu’élégante qui est composée de trois pôles : enseignement, sportif et logement ;
Le tout dans un contexte singulier où le projet s’immisce véritablement dans les côteaux et disparaît presque dans un dénivelé de 14 mètres. « C’était un site en souffrance, nous avons essayé de réparer cette grosse cicatrice dans le paysage. Nous avons introduit 1 Km de rampe qui déambule au sein du projet et entre les différents espaces ». C’est une intervention minutieuse qui met l’architecture et la nature en symbiose, une réalisation constituée de rampes et de paliers, de pentes et de micro-terrasses. Un projet complexe qui, à l’image des autres constructions de l’agence, a obtenu le label BBC.
© Denis Nidos
© Denis Nidos
© Boegly + Grazia
Lascaux IV
Parmi les réalisations de l’agence, parlons du Centre de l’Art pariétal de Montignac, appelé également Lascaux IV, un projet qui a été mené en collaboration avec l’agence norvégienne Snøhetta arkitektur landskap AS. Cette dernière connaissait le travail de l’architecte, vu qu’il avait réalisé, en 2000, en Norvège, un lycée qui avait obtenu déjà à l’époque le prix du développement durable. Lascaux IV est un musée qui simule la grotte où nous pouvons trouver des espaces d’exposition, un amphithéâtre, une boutique, un restaurant et un parking. « Il s’agissait de déterminer comment accéder au bâtiment pour réaliser quelque chose d’extraordinaire. Nous avons fait le choix de faire visiter tout d’abord l’extérieur. » C’est encore une fois un sujet complexe qui s’approprie le lieu, l’adopte avec une grande subtilité, s’y glisse tout en portant sa propre architecture. Comme une faille dans le site, la réalisation aussi discrète que furtive, croise l’intérieur et l’extérieur en accompagnant le visiteur au sein même du paysage. C’est un coup de maître qui rend hommage à la nature.
© Duncan Lewis Scape Architecture
© Duncan Lewis Scape Architecture
La Bastide Niel
L’agence Duncan Lewis Scape Architecture vient de livrer à la ZAC Bastide Niel, à Bordeaux, un ensemble de 49 logements et un espace commercial. Le projet s’inscrit dans le paysage d’une manière à tirer profit de l’ensoleillement maximal. Chaque logement possède son espace extérieur privatif et l’ensemble se développe au sein d’une végétation épaisse qui joue le rôle de régulateur thermique. Un projet primé par les Pyramides d’argent de l’innovation industrielle de Nouvelle Aquitaine. « On est allé loin dans l’extension des appartements, en dotant le projet d’un jardin, d’un lieu de rencontre, en y ajoutant des espaces partagés, un rooftop et le jardin de 2000m3 peut relancer la réflexion sur la question climatique. » Souligne l’architecte.
© Duncan Lewis Scape Architecture
© Duncan Lewis Scape Architecture
Parmi les projets qui sont en cours d’exécution, nous pouvons citer le Pôle de santé pluridisciplinaire de Lacanau, un programme constitué d’une maison de santé, d’une crèche, de résidences séniors et d’un Ehpad entre autres. « C’est un bâtiment dessiné par la présence du paysage, nous gardons les arbres et les places ». Le projet compose avec l’existant, dans un cadre exceptionnel et un environnement naturel.
Duncan Lewis a par ailleurs travaillé au Japon, à Tokyo. Il a exposé un peu partout dans le monde comme à Belfast, Dubrovnick, Seville, Vienne, Pékin, Londres, Buenos Aires, New-York mais aussi à la Biennale d’architecture de Venise. L’agence a été nommée à plusieurs prix et a reçu de nombreuses distinctions. Elle a collaboré avec d’autres agences d’architecture internationales comme les Ateliers Jean Nouvel, Lacaton & Vassal et Snøhetta. Duncan Lewis a enseigné à Barcelone et à Berlin et il enseigne aujourd’hui à Paris, Londres et Marseille. « J’essaye de partager avec mes étudiants une vision simple de l’architecture, je leur dis que chacun a quelque chose à apporter, on doit prendre une connaissance intime avec le projet, en mettant en avant le travail artisanal qu’on est en train de perdre (assemblage, dessin, maquette) ». Duncan Lewis participera au salon d’Architect@Work qui se tiendra le 3 et 4 décembre à Bordeaux et aura comme thème : L’architecture du vivant.