Après le co-housing (cohabitat ou habitat groupé), nous allons aujourd'hui parler d'une pratique qui va encore plus loin. Une nouvelle pratique intéressante pour un habitat abordable, séparant la propriété du sol de celle du logement. C’est ce qu’on appelle un ‘Community Land Trust’ : les habitants n’achètent que l’habitation, pas le terrain sur lequel elle se trouve. Pour mieux appréhender les implications dans la pratique, nous vous présentons ici le tout premier projet CLT, dont le premier coup de pelle symbolique a été donné le 8 octobre à Gand.
Par Jan Hoffmann
Le point essentiel d'un projet CLT, c’est que le terrain reste la propriété d'une structure. Cette structure est gérée conjointement par les résidents des logements, le quartier, la société civile et le gouvernement. L'objectif est de garantir le droit au logement.
Pour le projet à Gand (Meulestede), la structure se nomme CLT Gent. Elle a pour mission de permettre à des personnes à bas revenus ou à revenus modestes de devenir propriétaires-occupants d'un logement de qualité. Il s'agit en outre de logements à haut rendement énergétique, réservés aux personnes éligibles pour l’achat d’un logement social.
L'ingénieur-architecte Jos De Wolf présentant aux acheteurs potentiels la maquette du projet Meulestede, le premier projet CLT en Flandre.
Plusieurs conditions
L'acquisition d'un logement CLT s’accompagne d'un certain nombre de conditions. Par exemple, si le résident souhaite un jour vendre, il sera limité dans le prix qu'il peut demander. Le vendeur récupère donc bien ce qu'il a investi, mais avec une partie seulement de la plus-value. Le logement reste ainsi abordable pour l’acheteur suivant, sans nouveau financement. Le financement initial, utilisé par le CLT pour atteindre un prix abordable pour le premier acheteur, est ainsi ‘stocké’ dans le terrain. Les fonds publics profitent à de multiples parties prenantes sur le long terme.
En tant que propriétaire du terrain et intermédiaire dans la vente, un CLT entretient une responsabilité permanente au niveau du terrain qu'il possède et des personnes qui y vivent. En outre, l'objectif est de faciliter la cohabitation sur les terrains communaux et de créer de nouvelles perspectives et de nouveaux réseaux afin de renforcer l'autonomie des personnes et de contribuer à la création de quartiers inclusifs et résilients. Concrètement, cela signifie que les résidents d’un projet CLT participent à la réflexion sur la conception, la construction, la gestion, la répartition et l'aménagement de leur communauté résidentielle.
Meulestede propose 34 logements abordables, rassemblés selon un concept intelligemment agencé.
CLT Meulestede
Ce qui nous amène au projet Meulestede : le premier projet de construction en Community Land Trust de Flandre, qui comprend 34 logements abordables de type propriétaire-occupant. L’ensemble du projet est signé par le bureau d’architecture gantois net architectuur. Net architectuur a décroché ce projet en 2018, au terme d’un concours d’architecture. Le bureau a remporté ce concours grâce à un projet rassemblant un grand nombre de logements agencés de manière intelligente, et exploitant pleinement le potentiel de poumon vert du site pour le quartier.
Jos De Wolf, ingénieur-architecte et directeur de net architectuur, nous en dit un peu plus : “Nous avons démarré notre bureau en 2011, en participant à des concours pour des logements sociaux et des (petits) projets privés. Nous sommes aujourd'hui sept architectes, et nous nous concentrons principalement sur les projets proposant de nouvelles formes d'habitat collectif. Nous participons aussi à de nombreux appels d'offres et concours de design pour des projets de plus grande envergure.”
“Lorsque nous avons remporté le concours, CLT Gent était déjà en activité depuis plus de dix ans. À l’époque, le projet avait déjà tout un historique et nous y avons directement vu une formidable initiative, permettant aux résidents d'obtenir un droit d’usage éternel, comme un propriétaire ordinaire. Ils peuvent également rénover ou vendre leur maison et la léguer à leurs héritiers. Ils doivent toutefois toujours occuper eux-mêmes l’habitation, la location n'est pas possible.”
La péninsule de Muide-Meulestede
Le complexe verra le jour sur un terrain vacant au nord de la ville, sur la péninsule de Muide-Meulestede, à Gand. Ce terrain se trouve au cœur d'un quartier densément bâti, et était relativement isolé des alentours.
Vue aérienne du jardin collectif.
Le projet rassemble les maisons et les appartements selon un agencement compact autour d'un nouveau parc. Un contact maximal est assuré avec le jardin via les pièces de vie à double exposition, les jardins de devant et les entrées. Le jardin frontal collectif donne à la rangée de façades une allure résidentielle tout en créant une certaine distance, et donc une intimité, entre les pièces de vie et le jardin public. Les fonctions communes comme la circulation verticale, les compteurs, les locaux techniques... sont prévues sur l'avant du bâtiment. D’autres fonctions communes, telles qu'un studio et une laverie, sont également prévues à l'extrémité nord, où se trouve l’essentiel du jardin collectif avant.
On retrouve le même équilibre entre intimité et collectivité dans les espaces extérieurs. Sur le côté sud, par exemple, les espaces extérieurs privés sont superposés. Ou du côté parc, une structure s’intercale pour servir de façade entre le jardin collectif et les habitations individuelles, entre l’intérieur et l’extérieur.
“L'ensemble permet de disposer d'un espace de vie relativement important sur une petite surface, en faisant le choix d’une structure claire et d’une zone verte ouverte et libre", poursuit M. De Wolf. “Nous avons totalement intégré la zone intérieure dans le quartier , avec une délimitation adaptée pour les façades arrière existantes et un parc intérieur vert pour les riverains.”
Impression d’un futur espace collectif.
Au rez-de-chaussée, le projet proposera des maisons familiales, au-dessus des habitations imbriquées avec une terrasse spacieuse à l'avant et à l'arrière, et encore au-dessus une série de penthouses. Grâce à l’agencement compact des habitations, il reste beaucoup plus d'espaces verts libres que prévu dans le plan directeur. Le grand intérêt, c’est que nous proposons les avantages d'une habitation mitoyenne sans occuper beaucoup de terrain. Grâce à l’imbrication, nous tirons le maximum de l'environnent de construction, tout en parvenant à un bel équilibre entre privé et public. Toutes les habitations ont en outre un accès au jardin collectif.
L’avenir du modèle CLT ?
La question, bien sûr, est de savoir quel est l'avenir des CLT de ce type. On voit notamment émerger des initiatives semblables à Bruxelles et à Louvain. Jos De Wolf distingue de superbes perspectives.
“L'association du CLT et du logement social est évidemment une excellente chose, mais on voit aussi des initiatives privées et locales", conclut-il. “Le propre du CLT est aussi de pouvoir s'installer sur des sites plus difficiles, avec des terrains appartenant généralement historiquement à des collectivités. Nous constatons que le côté atypique de ces sites – souvent assortis d’une structure de propriété complexe – auquel s’ajoutent des projets d'un niveau souvent ambitieux, vient compliquer la recherche et donnent donc lieu à des délais plus longs. On voit aujourd'hui qu’il existe de réels moyens pour les projets CLT. Ce genre de projets s'inscrit d’ailleurs parfaitement dans la philosophie de net, qui consiste à trouver des solutions adaptées, intelligentes et claires à des problèmes complexes.”
Une réunion des résidents. Le point essentiel d'un projet CLT, c’est que le terrain reste la propriété d'une structure. Cette structure est gérée conjointement par les résidents des logements, le quartier, la société civile et le gouvernement.
© toutes les photos: net architectuur