La réhabilitation de lieux historiques en ville est devenue assez courante. Comme à Gand, par exemple, où la célèbre caserne Léopold a vu sa fonction initiale totalement métamorphosée. Après des travaux d’envergure débutés en 2019, c’est aujourd'hui un nouveau lieu de vie, d’habitation et de détente qui s’y profile, dont les différents volumes seront occupés par une grande variété d’utilisateurs à partir de mars.
par Jan Hoffman
Le site abrite différents bâtiments, notamment des appartements, un hôtel de ville, plusieurs maisons mitoyennes et un nouveau bâtiment provincial central. Le tout encadrant un espace vert intérieur, aménagé à la place de l’ancienne cour de parade, transformée en parc de quartier accessible via les rues adjacentes.
Le plan directeur a été réalisé par les bureaux d’architecture B2Ai architects, 360 Architecten et Sergison Bates Architects. Pour les espaces verts, ils ont travaillé avec DELVA Landscape Architects (jardins privés) et Buro landschap (cour intérieure), tandis que le développement du projet était géré par Ciril, Matexi et Democo.
Le site est composé de différents bâtiments, entourant l’espace vert. Ici, on voit le bâtiment B, rénové en immeuble à appartements, vu depuis le parc intérieur en cours de réalisation.
Patio central en contrebas
Pour en savoir plus sur ce projet, nous sommes allés à la rencontre de B2Ai architects, qui s'est chargé d'une partie de l'architecture, mais aussi de l'aménagement intérieur des parties communes des logements privés. Sandra Ghesquiere, architecte principale du projet, nous en dit plus sur cette prestigieuse réalisation au cœur du tissu urbain de Gand.
“En 2015, le service Bâtiments de la Province de Flandre orientale a sollicité des propositions pour un projet évolutif devant répondre aux besoins futurs de la ville. L'objectif était de développer un concept offrant une vision moderne de plusieurs fonctions urbaines importantes, comme le logement pour toutes les générations, les espaces verts, la culture et le tourisme durable. Le client a choisi notre concept collectif, dont le patio central en contrebas attire l’attention sur ce carrefour urbain condensé, où les interactions entre les diverses fonctions permettront au projet de garder toute sa pertinence pendant de nombreuses années. L’architecture initialement fermée de la caserne s’ouvre ainsi sur le reste de la ville et se mue en pôle urbain moderne et transparent, articulé autour d’un bâtiment provincial.
La nouvelle entrée dans le mur d'enceinte de la maison située derrière.
La caserne Léopold a eu une histoire mouvementée, que l’on retrouve en filigrane dans le projet de réhabilitation. L’origine de la caserne remonte au début du 19ème siècle. La région est alors sous domination hollandaise, et les dirigeants décident de construire une grande citadelle pour défendre Gand contre la menace des armées de Napoléon. En 1870, le rempart fait place à un grand parc – le ‘Citadel Park’ – où se trouvent aujourd’hui le Musée des Beaux-arts, le SMAK et l’ICC, entre autres.
Les bâtiments de la caserne ont été érigés entre 1890 et 1905, selon les plans des architectes Modeste de Noyette et Otto Geerling. Décoré dans un style romantique éclectique, l’ensemble s'étend sur environ 2 hectares et a abrité en son temps quelque 1.300 militaires. À partir d’octobre 1955, la caserne Léopold est occupée par le Centre des services de santé (Centrum van de Gezondheidsdienst ou CGD), qui deviendra plus tard l'École royale de médecine.
Melting-pot de fonctions urbaines
“L’ensemble du site, repris dans l’inventaire du patrimoine architectural, avait besoin d’urgence d’une nouvelle finalité durable. Le but était de transformer cette forteresse défensive en un point de rencontre agréable pour tous, c’est pourquoi nous avons décidé de renverser totalement les codes”, poursuit madame Ghesquiere. “Cela a donné un melting-pot rassemblant toutes les fonctions urbaines.”
Les anciens éléments de caractère intérieurs ont été préservés (ici la cage d’escalier du bâtiment B). Les arcs en ogive, escaliers en fer forgé et voûtes ont été intégrés dans le projet.
“Quand on regarde le plan directeur, on remarque immédiatement à quel point cet ancien bastion militaire fermé s’est ouvert au monde extérieur. Outre l’ancienne entrée principale vers la cour de parade (côté hôtel), le mur d’enceinte s’ouvre en quatre endroits (côté habitations) afin de permettre l’accès à la partie intérieure depuis les rues adjacentes. Du côté du ring au sud, enfin, il sera désormais possible de traverser le site de la nouvelle maison provinciale.
Tous les bâtiments et les espaces ouverts ont ainsi leur place dans le tissu urbain, et la cour autrefois pavée se mue en parc, favorisant les rencontres spontanées et soutenant la vie (in)formelle du quartier.
Au niveau du programme résidentiel, on dénombre environ 80 appartements répartis sur deux bâtiments. Ces bâtiments partagent chacun un jardin commun en longueur, avec plusieurs logements au rez-de-chaussée. Ces maisons mitoyennes compactes ont une 'porte d’entrée’ dans le mur d’enceinte côté rue et intensifient encore le contact avec le cadre environnant. Le projet inclut aussi des espaces de travail et de logement, une crèche, des ateliers et un hôtel. Au centre du jardin intérieur se trouve un patio en contrebas autour duquel sont installés les studios et les ateliers de l'espace souterrain polyvalent de la province.
Intérieur des parties communes
L ‘aménagement intérieur des parties communes des logements privatifs est également très intéressant. Là aussi, on remarque un profond respect pour le bâtiment d’origine, jusque dans l’implémentation des techniques obligatoires en matière de sécurité incendie : “Nous nous sommes efforcés de préserver les éléments anciens de caractère des bâtiments, notamment les arcs en ogive, les escaliers en fer forgé et les voûtes. Lorsque de nouveaux éléments étaient nécessaires, nous avons privilégié le naturel, en utilisant du bois. C’est ce que nous avons fait pour l’escalier du dernier étage et pour les bloc-portes vitrés. Nous avons préservé au maximum les briques rouges de la façade et les carrelages rouges des couloirs, et nous avons effectué les réparations nécessaires. Le nouvel éclairage a été choisi pour être aussi discret que possible. C’est un éclairage linéaire noir très fin, partiellement vertical à hauteur de l’escalier et horizontal à côté de l’escalier.”
Photo prise dans le jardin intérieur à aménager entre le bâtiment B et les nouvelles habitations derrière le mur de la caserne.
Lien visuel avec le Citadelpark
Du côté de la Charles de Kerckhovelaan, à la ‘tête’ du complexe (d’une superficie brute de 57.600 m²), le mur a été presque totalement ouvert. Ici, on accède au nouveau bâtiment provincial par un jardin intérieur, qui crée un lien visuel avec le Citadelpark. Ce bâtiment provincial abrite un espace de réception avec cafétéria, les divers services administratifs et les salles de réunion du conseil provincial et de la Députation. Un peu plus loin, on trouve les services logistiques, le service de prêt, les archives, la zone de dépôt et un parking souterrain. Au total, cela représente 30.000 m² d'installations, également accessibles au public.
La réception du projet se fera en plusieurs phases.
“Les logements de la première phase seront livrés en mars de cette année”, conclut l’architecte. “Viendra ensuite la Maison provinciale durant la deuxième moitié de l’année et enfin l’hôtel, qui entrera en service mi-2024.”
Les logements sont aménagés avec une terrasse. Ici, vous avez une vue sur le parc central encore à aménager entre les bâtiments.
Toutes les photos © Sandra Ghesquiere (pour le compte de B2Ai)