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Bakker : « Concevoir non pas en lutte mais en harmonie avec la nature »

22 août 2024

Comment se dessine l’environnement bâti de demain dans l’optique du Symbiocène ? C’est l'objet de la réflexion de l’architecte Ron Bakker, qui s’efforce d’en jeter les premiers jalons à travers divers projets et recherches menés avec son cabinet PLP Architecture. Le jeudi 12 septembre 2024, il animera une conférence sur le sujet lors d’Architect@Work à Rotterdam. Architectenweb s’est entretenu brièvement avec lui sur les points qu’il compte aborder.

 

par Michiel van Raaij 

 

De grands blocs de construction réalisés dans un composite à base de mycélium, formant des sièges, une table et un mur. C’est la création présentée par PLP Architecture l’année dernière lors de la Clerkenwell Design Week à Londres. Le mycélium s’était développé sur une période de trois semaines, avant d’être séché rapidement pour stopper sa croissance. Pour la production, le cabinet a utilisé des matrices en impression 3D principalement composées de bois et intégrées aux blocs de construction, afin de leur donner la solidité nécessaire pour s’y asseoir.

 


Photo © George Fielding

 


Photo © George Fielding

 

Dans son nouveau livre, l’écophilosophe Glenn Albrecht décrit une nouvelle ère tendant vers un nouvel équilibre entre l’humain, la nature et la technologie. Une nouvelle vision qu’il nomme Symbiocène, car elle repose sur la recherche d’une symbiose, et qui se veut le contrepied de l’ère actuelle de l’Anthropocène, marquée par l’impact profond et disrupteur des humains sur la planète.

 

Lors de son passage à la Clerkenwell Design Week, Albrecht a qualifié l'installation de PLP Architecture d’« incarnation de la démarche symbiocénique ». L’architecte Ron Bakker, qui connaît Albrecht de longue date, est ravi de ces paroles encourageantes. Il nous reste un long chemin à parcourir, insiste-t-il, mais ce sont clairement des options à explorer et développer.

 

Les bureaux londoniens de PLP Architecture sont aménagés à l’aide de matériaux biosourcés, qu’il a tous étudiés en détail. L’un d’entre eux est un biocomposite fait à 97 % de canne à sucre. En collaboration avec Holland Composites, il a expérimenté de différentes façons ce matériau jusqu’à obtenir la couleur et les motifs désirés. Cette solution a été conçue en tant que matériau de façade pour l'immeuble multifonctionnel Tree House près de Rotterdam, un projet actuellement en suspens. Du côté des voies de chemin de fer notamment, le projet nécessitait une façade impliquant très peu d’entretien et de risques d’incendie, qu'il n’était pas possible d’obtenir avec une façade en bois traditionnelle. Le biocomposite a permis de contourner le problème.

 


Photo © PLP Architecture

 


Photo © PLP Architecture

 

Biophilie


Nous devons nous défaire de cette tendance à plier la nature à nos exigences et travailler en harmonie avec elle, affirme Bakker. Dans cette optique, la notion de biophilie devrait faire partie intégrante de nos conceptions. Plus nous sommes proches de la nature, plus notre bien-être augmente. Nous devons étayer scientifiquement cette théorie, afin de déterminer avec précision l’impact de l’environnement sur les personnes, jusqu’au niveau neurologique.

 


Conception d'une tour de 140 m de haut sur la Delftseplein par PLP et ZUS. Photo © Provast

 


Conception d'une tour de 140 m de haut sur la Delftseplein par PLP et ZUS. Photo © Provast

 

Pour Bakker, le design biophilique s’articule autour de différents aspects. À commencer par l’intégration de formes naturelles et l'exposition visuelle à la végétation. Mais au-delà de ces aspects évidents, nous avons par exemple la végétalisation des bâtiments et une meilleure adéquation entre le climat intérieur et extérieur.

 

Un des projets qu'il souhaite mettre en lumière lors de sa conférence, est le Park Nova à Singapour : un immeubles résidentiel où les appartements sont disposés librement autour d'une zone centrale aérée, avec des balcons aux formes sinueuses, rehaussés d'une végétation luxuriante et même d’arbres. Selon Bakker, c’est un excellent exemple de l’habitat symbiocénique, à la fois en plein cœur de la ville et de la nature.

 


Image © Binyan

 


Image © Binyan

 

Il imagine la ville de demain comme un environnement particulièrement verdoyant, bâti en matériaux naturels, sans trafic bruyant et repeuplé par les oiseaux et autres animaux. En plus des avantages qu’elle offre déjà, la ville deviendrait un lieu agréable où il fait bon vivre. Pour Bakker, bon nombre de gens qui choisissent de vivre en ville le font pour des raisons pratiques, pas pour la qualité de vie. Mais cela devrait changer, selon lui.

 


Image © Binyan

 

Façades plus ouvertes


La qualité de l’air à Londres s’est considérablement améliorée ces dernières années. À tel point que dans de nombreux bâtiments, la qualité de l’air intérieur est moins bonne qu’à l’extérieur, constate Bakker. Cela est dû à une mauvaise ventilation et des installations vieillissantes. Dans son propre bureau, il ouvre les fenêtres autant que possible, il faudrait que les autres bâtiments fassent de même.

 

Cependant... dans les immeubles de bureaux modernes, les installations sont paramétrées avec une telle précision qu’ouvrir une fenêtre dérèglerait tout le système. Mais est-ce vraiment nécessaire de garder constamment 20 degrés à l'intérieur, s’interroge-t-il. Ne sommes-nous pas allés trop loin dans le contrôle de notre climat intérieur ? La façade ne peut-elle pas simplement reprendre son rôle de protection contre la pluie, les rafales de vent, le froid et la chaleur ? Afin que le climat intérieur se module au gré des saisons. S'il fait un peu plus froid l’hiver, enfilez un pull chaud, s’il fait plus chaud l’été, portez une chemise légère.

 


Photo © Ronald Tilleman

 


Photo © Ronald Tilleman

 

Pour The Edge dans le quartier de l’Axe Sud à Amsterdam, Bakker et son équipe ont conçu un grand atrium avec peu de climatisation. L’atrium est équipé d’un vitrage double, orienté au nord, et il y a un système qui vient légèrement chauffer et refroidir l’espace via le sol mais le climat de l’atrium reste un peu plus rude que dans les bureaux. Les zones de travail situées en haut de la partie inférieure du bâtiment dans l'atrium, également appelé « étage cabrio », n’étaient pas adaptées selon les spécialistes, mais elles sont immédiatement devenues l'endroit le plus apprécié du bâtiment. Une autre preuve qu’un contrôle total n’est pas toujours nécessaire, souligne-t-il.

 


Photo © PLP Architecture

 


Photo © PLP Architecture

 


Photo © PLP Architecture

 

Pour terminer, Bakker veut attirer l’attention sur l’essor de la conception paramétrique, marquée par l’émergence d’une cohésion étroite entre la façade et le reste du bâtiment. Alors que dans les années ‘50 et ‘60, la façade était encore un élément distinct, réalisé à part, que l'on pouvait « greffer » sur un bâtiment, il en va tout autrement aujourd'hui. Chez PLP Architecture, les façades sont incorporées dès le début du projet, leur couleur et leur texture sont définies dès les prémices de la conception, et elles sont élaborées en lien avec la lumière naturelle et les autres éléments. Par ailleurs, le perfectionnement de la fabrication robotisée offre une plus grande liberté de forme. Cela permet de « modeler » davantage la façade. La conception intégrale qui est désormais à notre portée l’enthousiasme énormément et a encore un bel avenir devant elle, estime-il.

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